Hivernage
La période de l’avent est sensoriellement chargée : mandarines, vin chaud, épices, sapin, bougies, chansons traditionnelles. Son charme (ce qui peut aussi en faire un cauchemar), c’est son éternel (sempiternel) retour. Pendant quelques semaines, on se promet que tout ira bien, c’est la trêve. Pourtant, pas de repos pour les braves, cette newsletter va s’attacher à regarder les ressorts de cette ambiance sereine et matelassée.
Hiverner
L’excellente newsletter Mothers Under The Influence, qui se penche sur les us et coutumes des momfluenceuses sur Instagram, retourne au scalpel ces images aimables de Noël. Elle décrit le sentiment “presque érotique d’appartenance” que favorisent les photos de sapins et de bougies de luxe (emboîtant le pas au sentiment océanique de Romain Rolland.) Tout est en ordre : la maison est un lieu de nature (semé de branches de sapin) et d’émerveillement, qui repousse loin dehors le monde de plus en plus incontrôlable. Kathryn Jezer-Morton trace une ligne de démarcation nette entre l’authentique confort d’une communauté à laquelle on peut confier son intimité et la commercialisation de son esthétique, cantonnée à une neutralité beige et parfumée qui ne donne qu’une illusion d’unité et de protection.
Plusieurs des commentaires de la publication rappellent d’ailleurs le luxe que représente désormais un chauffage adéquat et, au prix que cette nécessité coûte, les multiples préparatifs qui rendent l’approche de l’hiver confortable. La Croix rappelait ce novembre combien la précarité énergétique s’est étendue en France : nombreux sont ceux qui ont froid chez eux et ne font pas du cosy une préoccupation centrale !
Winter is a time of withdrawing from the world, maximising scant resources, carrying out acts of brutal efficiency and vanishing from sight; but that’s where the transformation occurs. Winter is not the death of the life cycle, but its crucible.
-Wintering: the power of rest and retreat in difficult times, Katherine May, 2020
Dans ce livre célébré, May évoque sa maladie, sa dépression et les zones d’ombre de sa vie en réfléchissant aux vertus de la longue nuit que représente l’hiver. L’hivernage1 permet de se mettre à l’abri, de se laisser du temps. Cependant, en parlant avec une amie finlandaise, elle comprend que l’hiver est effectivement un creuset dans laquelle la force personnelle s’éprouve, mais pas forcément un temps d’isolement. La communauté est nécessaire pour la cueillette d’été, la fermentation qui nourrira la maison, et les mesures qui la protègeront… et la garderont ouverte à autrui.
You chop firewood and stack it up properly. You buy winter tires for your car. You bake so that the freezer is full, because if anyone drops by, you have to serve them coffee and cake. That’s important: you’re always ready to give hospitality. And of course you go out foraging.
Alors, hivernage ou bougie biscuit, faut-il choisir ?
Le charme discret de la bougie
Les bougies, leurs flammes et leurs parfums métonymiques (“feu de bois”, “sapin”) sont représentatives de l’ambiguïté de la saison. Elles se marient avec une saison d’intimité, d’abandon, de jachère - aussi bien qu’avec sa commercialisation. Elles représentent un marché vaste et un large éventail de connotations.